Michel Tremblay

Spécialiste de survie en forêt, explorateur, aventurier, formateur, conférencier et auteur

Publié le 06 Décembre |Dernière modification le 19 Décembre

Une expérience haute en émotions

Repousser ses limites, tester et développer ses compétences et sonder sa résilience. Ce sont ces raisons, pour un passionné comme moi, qui me poussent à « me donner de la misère », comme bien des gens disent. Cette motivation provient en moi comme une force indomptable à laquelle je ne peux résister. Alors, aussi bien lâcher prise et foncer. Laissez-moi vous présenter le récit d’un 7 jours de survie en forêt, une expérience haute en émotions que j’ai vécue.

L’idée de me mettre en situation de survie a commencé à germer pendant mes 9 semaines de convalescence - j’étais blessé au dos - durant la période estivale. Pour un gars qui bouge autant, c’était pratiquement mortel. J’avais juste hâte de rebondir. Pendant que mon corps était en mode guérison et respect des consignes du docteur et du physio, mon cerveau ne cessait de créer des projets. J’écoutais aussi la téléréalité de survie Alone que je trouvais vraiment intéressante et qui m’a influencé à vouloir moi aussi, me mettre au défi. Je souhaitais relever le défi d’un 7 jours de survie sans nourriture et avec seulement dix articles dans mon sac de randonnée.

canot avec équipements

Miser sur l’expérience

Au cœur de la cinquantaine, je suis plutôt en bonne condition physique pour affronter un tel exploit, n'ayez aucune crainte. Ma force réside dans ma volonté de réussir les choses. L'esprit demeure solide, forgé sur l'enclume d'expérience, plus dur que jamais. Comme je le mentionne souvent lors de mes formations de survie en forêt, ça se passe beaucoup plus dans le cerveau que dans le sac à dos mais une bonne préparation reste essentielle. C'est alors dans cette optique que j'ai entrepris ma sortie prolongée de survie, m'outillant de dix items pour y survivre.

Le kit de survie: 10 essentiels

Outre la boîte de sécurité (balise de détresse, trousse de premiers soins, recharges vidéo et lampe frontale)
et mes vêtements Chlorophylle, j'avais avec moi;

1- 1 sac de couchage d’hiver
2- 1 bâche Chlorophylle caverne 15 X 15 pour mes nuits en bivouac 
3- 1 pierre à feu (firesteels)
4- 1 contenant de deux litres en fonte*
5- 1 corde et paracorde de 80 mètres
6- 1 fil de laiton (du collet à lièvre, en réalité)
7- 1 poignée de pêche et quelques hameçons
8- 1 arc et 9 flèches
9- 1 couteau/machette avec une lame de 30 cm
10- 1 scie pliante avec lame de 30 cm

* La cocotte peut servir de four avec le couvercle de poêlon.

bivouac bâche sur le bord du lac

Partir sans nourriture

Au tout début de mon aventure, je devais faire plusieurs kilomètres de canot afin de me dégoter un endroit propice pour mon campement. J’étais à la recherche, idéalement, d’un terrain plat, qui me permettrait de pêcher en bordure de lac, mais aussi un endroit qui pouvait offrir beaucoup de bois de grève comme combustible. C'est à ce moment que le combat de l'énergie a commencé. L'énergie pour se nourrir, alimenter le feu pour la chaleur et l'ébullition de l'eau et survivre!

Pourquoi m’installer au bord d’un lac? Parce que j’avais décidé de n’apporter aucune nourriture, niet, nada rien… Eh oui, je souhaitais relever le niveau de difficulté et donc, compter seulement sur mes compétences de pêcheur, chasseur et trappeur pour m'alimenter. Car on s'entend qu'au mois de novembre, au Québec, il ne reste plus rien à cueillir.

Cependant, j’étais confiant de bien manger. Plus tôt, pendant la saison de la chasse à l'original, j'avais tué quelques perdrix à l’arc avec beaucoup de succès. Je fondais beaucoup d’espoir là-dessus. Je croyais aussi que le brochet allait plus être au rendez-vous, pour connaître ce réservoir dans lequel j’avais déjà pêché.

En savoir plus sur la survie en forêt et l’alimentation

http://survieboreale.com/wp/le-piege-a-oiseaux/
http://survieboreale.com/wp/laulne/
http://survieboreale.com/wp/le-quatre-temps/
http://survieboreale.com/wp/manger-du-cambium/
http://survieboreale.com/wp/la-tripe-de-roche/

Jour 1, les prises de décisions

La première journée est généralement désignée comme celle où l'on prend place et qu'on exécute les plus grosses tâches. Bref, ce qui est le plus énergivore. Rien de plus normal, c'est là qu'on possède la plus grande énergie dans ce type d'événement.

Le choix de l'emplacement du campement se fait en évaluant le pour et le contre. Par exemple, plusieurs personnes ne comprenaient pas pourquoi j’avais choisi un endroit sur la grève, qui est plus exposé au vent qu'en forêt. Cela dit, lorsqu’on fait le choix d’un terrain dense et accidenté, cela n’est pas du tout économe en énergie. Pourquoi? Parce qu’on se retrouve souvent plus loin des possibilités d'hydratation, du combustible, des pierres pour la confection d’une aire de feu et de la facilité pour la pêche. Ainsi, en faisant la balance des inconvénients, j’ai opté pour un emplacement sur la grève.

C'est donc, dans la forte brise que j'ai monté mon abri, mon lit et mon aire de feu jusqu'à ce que les ténèbres s'installent au travers des gargouillis de mon estomac. Ce jour-là, je n’avais consommé que quelques chatons d’aulne et je m’étais hydraté. Déjà au premier jour de ma survie, j’étais en déficit calorique!

Pour trouver de la nourriture, Michel pouvait faire 2 à 3 km de marche à l’aller, et donc, jusqu’à 8 km de bonne randonnée dans une seule journée dans une forêt qu’il qualifiait de pas accueillante du tout (montagne et plan incliné).

Jour 2, le début de la faim

Cette journée était dédiée à l'exploration un peu plus approfondie du secteur, l'arc à la main, maniant celle-ci afin qu'elle ne se prenne pas trop dans les branches de cette forte forêt. Je ne vous le cacherai pas, la patience s'impose lors de ces déplacements. On ne sait jamais, c'était peut-être cet outil qui allait me nourrir, mais le gibier se faisait rare en cette journée venteuse.

De retour au camp, j'ai décidé d'opter pour la pêche, où je fondais de grands espoirs afin de me nourrir. Quelques kilomètres de canot infructueux s’ajoutaient à ma dépense énergétique du jour. Le découragement s'installait au rythme des plaintes intestinales. Pendant ma dernière heure de clarté, je persistais avec la pêche, mais cette fois en bordure de lac. Or, une violente attaque d'un requin d'eau douce (brochet) a cassé ma ligne, emportant mon leurre mais surtout, mon espoir de manger. Ce fut le clou sur le cercueil comme on dit.

Ça faisait maintenant deux jours que je n'avais pas mangé.

Jour 3, le doute

Le jour 3 a été un amalgame de dépenses énergétiques mélangé à un bon lot d'émotions dominé par le doute. Parce que oui, les échecs sèment le doute. C'est là que je me répétais l'expression de nos voisins du sud « Never give-up Mike », même après quelques flèches imprécises, mais si près du but. Je constatais aussi qu'à ce rythme, je n'allais pas être en mesure de continuer l’expérience pendant sept jours. La faim laissait lentement place à une léthargie digestive sous forme de fatigue généralisée. Ça ne sentait pas bon tout ça!

Mais l'acharnement et mes aptitudes de survie allaient porter enfin fruit.

Je vous pose une question. Avez-vous déjà eu faim? Non non, pas une fringale parce qu'on est un peu en retard sur le dîner. La vraie faim. Celle qui donne des crampes douloureuses d'estomac. Celle qui rend faible, qui fait battre le cœur intensément au moindre effort. Celle qui peut même brouiller le jugement, la vue et donner mal à la tête.

Eh bien, c'est un peu ce qui se passe dans les premières journées d'un tel périple. C'est seulement la troisième journée qui donne le rythme à l'expérience. On gère mieux ses déplacements, on supporte plus facilement le vide en soi. En résumé, ça été pour moi la journée charnière et c'est aussi à la fin de cette journée que j'ai attrapé mon premier brochet. Seulement avec ma poignée de pêche.

Ça a changé la donne, du tout au tout. J'allais enfin refaire une partie de mon énergie.

 

« Je peux maintenant affirmer ce qu’est la vraie de vraie faim. Je sais où ça mène. C’est quelque chose que la plupart des Nord-Américains n’ont jamais vécu. »

 

Jour 4, l’espoir


La quatrième journée a été une copie de la précédente, mais le brochet s’est avéré encore plus gros! À ma grande joie. J'ai même pu, en me fabriquant un séchoir *, me faire des réserves pour la journée à venir. Cette journée a aussi été marquée par une bordée de grésil accompagnée de vents violents. Novembre est toujours rempli de surprises. Heureusement, j'étais très bien habillé.

* Un trépied dont l'extrémité des trois pattes attachés avec de la paracorde, à une hauteur voulu, des montants où il y avait un tamis à l’aide du fil de laiton pour y déposer le poisson avec une certaine chaleur pour que ça fume et que ça sèche. Selon l’épaisseur, cela pouvait prendre une à deux heures pour en arriver à un morceau bien séché.

Jour 5, j’en arrache

La cinquième s'est révélée la plus difficile moralement. Les vents violents et la tempête de neige de la nuit qui a continué tout au long de la journée y étaient pour quelque chose. C'était à se demander si Éole avait une dent contre moi! Le manque d'énergie pesait lourd sur mon système, bref, j’en ai arraché.

Bien des remises en question ont été soulevées pendant celle-ci. Par exemple, je me demandais si je ne devais pas partir. Je me demandais si j’avais la capacité physique et mentale de rester sur place. Je ne remettais pas en question mes connaissances ou compétences de bon survivant, mais bien le fait d’arrêter l’aventure.

Le saviez-vous? Les militaires font des survies en forêt de 72h avec leur sac de déploiement, avec leur équipement de guerre. Michel a fait plus du double de façon très minimaliste!

Mais à deux jours de la fin, ça aurait été décevant de baisser les bras en étant si proche du but. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte combien on est chanceux d’avoir des gens qu’on aime autour de nous, et de pouvoir partager facilement un bon repas avec eux. Je n’ai pas la fibre de l’ennui d'ordinaire, mais quand on baigne dans la solitude pendant 5 jours consécutifs et qu’en plus on est faible comme je l’étais, on prend conscience de l’importance des liens sociaux.

Jour 6, danger et espoirs

Celle-ci s’est ouvert sous le soleil et surtout, sans vent avec un -5°C. Tout est gelé au sol, y compris mon eau. Les nuages ont rapidement couvert le ciel en mi-journée. Je n'avais pas beaucoup d’énergie rendu là et je faisais des chutes de tension au moindre effort. J'ai même failli perdre conscience en me relevant suite à une corvée de bois. J'ai glissé sur une surface glacée et bien failli finir dans le lac. J'allais devoir redoubler de vigilance et de prudence.

C'est après avoir avalé une réconfortante boisson chaude, une tisane de thé du Labrador, que j'ai pris le chemin de la chasse pour une dernière fois. J'allais en profiter pour ramasser mes collets à 24 heures de mon but fixé. À ma grande surprise, une perdrix s'y était prise! Fini le tracas de la bouffe. C’est cruel oui, mais j'allais enfin refaire le plein d'énergie sous forme de cuisson à la cocotte que j'avais dans mes dix items. Rien ne s'est perdu, j'ai tout mangé. C’était fantastique.

C'est grâce à cette prise que j'ai pu rester autour du camp le reste de la journée sans avoir à m'en éloigner et passer une bonne nuit.

 

« J’ai rarement vécu une expédition de survie en forêt où j’étais en aussi grande difficulté et faible physiquement parlant. J’ai vu le fond de mes capacités physiques, sans y toucher cependant. (rires) »

 

Jour 7, la lumière au bout du tunnel

Une fois au jour 7, c'est comme si je voyais la lumière au bout du tunnel. C’était un pas vers la fin des souffrances en raison, surtout, de la faim. Avec le temps très changeant du coin, j'en ai profité pour ramasser mon petit paquetage.

Au moment de quitter l’endroit qui t’a nourri et qui t’a gardé au chaud, il y a vraiment un mélange d’émotions et de pensées. Toute fin d’expédition t’emmène à vivre une micro-dépression puisque c’est la fin d’une période vraiment intense. Bien sûr, je me suis retourné pour observer l’environnement qui fut aussi accueillant que difficile avec un brin de nostalgie.

J’étais aussi très focus sur le retour parce que je savais que je devais y mettre beaucoup d’énergie bien que le vent était dans le bon sens, ça allait me permettre de revenir plus facilement. J'avais quand même quelques kilomètres de canot à faire jusqu'à mon véhicule et à rouler deux heures afin de rejoindre la civilisation.

J’avais environ 30 mètres de terre à faire jusqu’à mon véhicule, et là-dessus une butte de 3 mètres à gravir. Après un voyage de mon sac à dos et mes équipements de sécurité, il a fallu que je mette le genou à terre. J’avais les palpitations cardiaques dans le tapis, je capotais. Après je suis allé chercher mon canot, et j’étais carrément épuisé à la fin.

Au total de ces 7 jours, j’ai perdu 8 livres (3,6 kilos) mais tellement gagné en apprentissages.

Homme qui prépare un feu en survie

Les petites leçons de 7 jours de survie en forêt

Intense, mais enrichissant. Voilà les mots que je retiens de ces 7 jours en situation de survie. Les motivations à faire de pareilles choses sont toujours les mêmes pour moi. L'expérience fera de moi sûrement un meilleur instructeur en la matière. Chose certaine, c'est le genre d'expérience qui fait qu'au retour à la civilisation on apprécie la présence de nos proches et les détails de la vie. C'est en s'exposant à l'adversité qu'on développe l'esprit de résilience, bref, qu'on en sort plus fort. C'est ce que je ne cesse de répéter pendant mes formations et conférences.

J’ai aussi réalisé qu’avec un objectif et de l’acharnement, ça peut mener vraiment loin. C’est ton cerveau qui mène la barque!


« À mon retour de l’aventure, les gens m’interpellaient en me disant que ce n’était pas normal d’avoir vécu ça. Pourtant, pour moi en tant qu’instructeur/blogueur de 9 ans d’expérience, ça me paraissait normal. À voir les réactions suscitées, je réalise que non, ce n’était pas normal finalement. »

Puis, après coup j’aurais vraiment souhaité avoir deux items de plus à mon kit de survie. Je pense à une gourde pour transférer l’eau après qu’elle ait été bouillie (parce que l’eau rouille rapidement dans une cocotte en fonte), et cette gourde aurait pu également servir de bouillotte pour me réchauffer. Puis, j’avais des outils de coupe mais une paire de pinces multifonction avec des lames plus fines m’aurait permis d’aiguiser ma machette, l’éviscération de mon poisson aurait été plus facile, j’aurais pu couper mon fil de laiton avec cela… bref, j’y aurais vu vraiment beaucoup d’utilité.

D’ailleurs, un énorme merci à ma deuxième famille, Chlorophylle pour l'appui dans le déroulement de mon expérience.


Plus de détails sur les vêtements qui m’ont servi pendant ma survie :

Ce que j’ai utilisé le plus :

1- L’ensemble imper-respirant Altitude et Alto,  contre la pluie.

2- Pantalon Raid convertible en temps moins pluvieux

Mes sous-couches (combines) :

1- Sous-vêtements : CHL2 et veste en Stormfleece Fulmar en tout temps

La nuit :

1- Ensemble CHL Ultra chandail et pantalon comme pyjama

2- J’ai inséré une veste en duvet au niveau des pieds afin de conserver mes extrémités bien au chaud. De cette manière, ayant les pieds au chaud, j’étais certain de ne pas geler des extrémités. Avoir froid aux pieds, voire geler des extrémités, est la pire chose qui puisse arriver. J’aurais pu avoir de la difficulté à reprendre ma température corporelle et donc perdre encore plus d’énergie à tenter de me réchauffer.

 

Écrit par :

Spécialiste de survie en forêt, explorateur, aventurier, formateur, conférencier et auteur

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