Arnaud Bouquet

Réalisateur, scénariste et directeur photo.

Publié le 06 Décembre |Dernière modification le 19 Décembre

Dans son deuxième article de blogue, Arnaud Bouquet nous transporte à Tokyo, ville dynamique et envoûtante du Japon, pour nous faire découvrir les coulisses de la série documentaire Espèces d’ordures diffusée ce printemps sur les ondes de TV5. Au fil de ses rencontres et de ses expériences, il nous dévoile les initiatives écologiques de la ville qui ont su le surprendre lui et son équipe. De la gestion des déchets à la responsabilisation sociale, ces solutions novatrices font réfléchir et donnent espoir quant à l’avenir de notre planète.

temple japonais
Crédit photo: Arnaud Bouquet - Le sanctuaire Meiji Jingu

Des citoyens engagés et respectueux


Pour tourner mon deuxième épisode sur la série Espèces d’ordures, je me rends avec l’équipe à Tokyo au Japon, raconte le coréalisateur de l’émission. Après un long voyage, nous arrivons à l’aube dans le quartier de Shinjuku. Fasciné par la culture nippone, je décide de ne pas me reposer et de partir explorer le quartier. Un quartier de plusieurs millions d’habitants à lui tout seul. Mes pas me conduisent dans un parc aux arbres centenaires où se dresse un temple qui rend hommage à l’Empereur Meiji et à l’Impératrice Shoken. Ils ont modernisé ce pays longtemps attaché à ne pas se départir de sa culture traditionnelle, demeurant hermétique à toute influence étrangère. Mais ce que je perçois d’abord, c’est la propreté incroyable du parc. J’aurai le même sentiment un peu plus tard alors que je m’arrête à un petit comptoir où on commande d’abord sa soupe Ramen dans une machine à tickets avant de se la faire servir. La propreté et la rigueur avec laquelle tout est entretenu sautent aux yeux.

jeune japonais qui ramassent des déchets
Crédit photo: Cr. Louis-Charles Pilon - Arnaud avec Pikachu à l'aube.

Après l’excès, la bonne gestion des ordures

Et c’est ça qui se dégagera de notre tournage, un sens citoyen vis-à-vis des ordures qui confine même parfois à la manie. Ainsi, alors que nous avons la chance de faire notre premier tournage sur le carrefour Shibuya – le Times Square tokyoïte – en pleine nuit des festivités d’Halloween, nous constatons à l’aube que non seulement la majorité des 40.000 participants à la fête sont repartis avec leurs déchets, mais que plusieurs centaines de volontaires demeurent sur place pour nettoyer les lieux. Et ce constat, nous le ferons tout au long de la semaine, rencontrant même au hasard des rues des employés qui s’unissent à l’heure du lunch pour nettoyer les rues adjacentes à leurs bureaux.

Image tirée de l'émission Espèce d'ordures.

Éduquer la relève

En visitant une école primaire pour y tourner une séquence, nous comprenons que c’est ici une histoire d’éducation. Ce sont en effet les élèves qui nettoient les classes et les couloirs au Japon, aucun personnel d’entretien n’est engagé pour cette tâche. Comme nous le confie le directeur de l’école, une tradition shintoïste et bouddhiste enseigne que le nettoyage de son lieu de vie est aussi une purification de l’âme.

En savoir plus sur le tournage de l’épisode Espèces d’ordures au Brésil

 

Crédit photo: Arnaud Bouquet - Fred Choinière, un animateur sur son X.

Adieux poubelles publiques, bonjour responsabilisation


Ce principe s’illustrera pleinement quand nous constaterons que Tokyo ne comporte pas de poubelles publiques dans ses rues. La plus grande mégapole au monde a vécu des moments traumatisants en 1995 suite à un acte terroriste organisé par une secte. Depuis toutes les poubelles ont disparu pour éviter qu’un paquet dangereux y soit déposé. Et les citoyens de la ville ont donc pris l’habitude de garder leurs déchets avec eux, dans leurs poches, dans un sac, pour les trier rendus à la maison.

Crédit photo: Arnaud Bouquet - Les camions à ordures totalement kawaii.

Mission réduction et refus : les leçons de Tokyo

Ce rapport aux déchets confine à l’art, comme nous le constaterons en visitant la base d’une flotte de camions à benne tous plus kawaii – adorables, comme beaucoup de choses ici – les uns que les autres. Camions que les éboueurs nettoient consciencieusement chaque jour après leur tournée pour qu’ils demeurent resplendissants. C’est Schuchui, un éboueur qui travaille aussi comme humoriste qui nous explique cela avec fierté. Sa femme et lui ont écrit un manga sur le sujet des ordures qui est devenu un véritable best-seller au Japon. Eux-aussi insistent sur l’importance de l’éducation. Nous rappelant toutefois que le Japon est loin d’être parfait : la consommation y est endémique, on achète et on consomme comme on respire à Tokyo, et la totalité des biens de consommation – même les fruits et légumes – sont suremballés. Une obsession hygiéniste doublé d’une vision artistique, puisqu’on parle même de furoshiki, une technique traditionnelle d’emballage où la beauté du contenant importe autant que le contenu. C’est en partie pour cela que les incinérateurs nombreux au pays n’arrivent pas à réduire suffisamment la quantité de déchets qui se rendent dans des dépotoirs saturés. Le défi, c’est donc maintenant celui de la réduction et du refus, plutôt que du recyclage.

Crédit photo: Frédéric Choinière - Arnaud, fier de son achat.

Nous n’échapperons pas à la tentation de la consommation tout au long du tournage, et à la moindre occasion, les boutiques très nombreuses nous font de l’œil : je craque ainsi dès le deuxième jour pour une montre Casio en plastique comme celle de mon enfance, réalisant après l’achat que ces beautés nostalgiques ne sont même plus conçues au Japon… mais en Chine. Réduire et refuser : il faut se répéter cette phrase comme un principe morale qui serait issu du bushido, ce code qu’étudiait les guerriers samouraïs.

samouraïs japonais qui ramassent des déchets
Image tirée de l'émission Espèce d'ordures.

Une initiative créative et morale


Et des guerriers, nous en rencontrerons. Des « samouraïs punisseurs de déchets » que nous filmons le dernier jour. Ces trois comédiens de rue, peinés d’avoir vu leur activité théâtrale interdite par les autorités à cause des déchets abandonnés par le public sur le trottoir, ont décidé de s’habiller comme les célèbres guerriers féodaux, remplaçant les katanas – les sabres – par de longues pinces avec lesquelles ils ramassent les ordures à terre dans les rues de Tokyo en suivant une chorégraphie digne d’un film de Kurosawa ou de Takeshi Kitano. Très populaires sur les réseaux sociaux, ils espèrent ainsi sensibiliser la jeunesse, et provoquer des vocations.

Le soleil se couche et il faut repartir pour une autre destination. Non sans avoir porté un toast au saké à ce pays toujours renversant : kampai!


En savoir plus sur la série Espèces d’ordures.

Voyez la bande-annonce de la série

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Réalisateur, scénariste et directeur photo.

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